Pompidou fut pour commencer un petit professeur de lettres qui enseignait le français, le latin et le grec puis un combattant de la Seconde Guerre mondiale. Après la fin de la guerre, par promotion sociale il accèdera aux plus hautes responsabilités jusqu'à devenir le président de la République française. Cette présidence, quoique écourtée par la maladie, sera des plus actives jusqu'à la fin de sa vie: en cinq ans, il a établi une "nouvelle société", pas exactement celle rêvée par son premier ministre Jacques Chaban-Delmas mais les deux visions se complétaient.
Auparavant, Georges Pompidou a acquis l'expérience de premier ministre en dirigeant quatre gouvernements successifs, sous la présidence du général de Gaulle. Il entraîna dans son sillage politique trois générations de futurs présidents: Valéry Giscard d'Estaing, François Mitterrand et Jacques Chirac.
Il décrivit François Mitterrand «sur les rives paisibles de l'opposition, comme les émigrés de l'Ancien Régime sur les rivages de l'Angleterre» et il lui dit : «l'avenir n'est pas à vous... L'avenir n'est pas aux fantômes». Et Mitterrand, une fois devenu président, fut tout aussi féroce avec ses adversaires: de DSK, il jugea que «C’est un jouisseur sans destin». Et DSK lui-même, viré du FMI, affirma à son tour que «Le PS n'a pas d'avenir et c'est une bonne chose».
Pompidou accepta finalement à contre cœur que la Grande-Bretagne, le cheval de Troie des États-Unis, entre dans la CEE, au risque de mettre en péril la Politique agricole commune (la PAC). Et la Grande-Bretagne montrera ses exigences et sa volonté d'indépendance, jusqu'à ce dernier référendum très récent pour sortir de l'UE, le Brexit.
Humaniste, Pompidou osa en son temps demander à redistribuer en partie les richesses accumulées pendant les «Trente glorieuses» par les nouveaux riches et offrir quelques avantages inespérés aux pauvres, aux ouvriers, aux femmes et aux handicapés dans les années 1970, avec par exemple des nouveaux hôpitaux modernes et humanisés, des aides pour les familles et des ressources pour les personnes âgées, la réforme du système de retraite, des garanties sociales face à l'accident, la maladie, la vieillesse, la mensualisation des salaires, la revalorisation du travail ouvrier et la formation professionnelle, la création d'une allocation aux adultes handicapés, la politique de congés payés la plus généreuse de la Communauté européenne, la réforme du salaire minimum etc.
Son nom évoque encore «la capacité de l'État à mener l'industrialisation du pays», si possible dans la concertation (pour éviter un nouveau mai 68).
Face à la multiplication des accidents de la route, Pompidou créa le Comité interministériel de la sécurité routière, ce qui n'a pas empêché depuis des centaines de milliers de morts et surtout d'handicapés qui saturent les hôpitaux et creusent le déficit de notre «Sécurité sociale».
Pompidou modernisa notre agriculture et encouragea l'agro-industrie sans savoir les ravages que cette industrialisation allait occasionner dans les cinquante ans à venir, avec la politique européenne de la PAC et la toute puissante FNSEA pour gérer les conflits d'intérêts. En même temps, il développa l'aménagement du territoire et organisa le remembrement, qui est devenu la ruine de nos campagnes. Malgré tout, il créa le Ministère de l’Environnement avec «la volonté politique de défendre la nature dans les années 70».
Il participa au lancement du premier satellite français, à la réussite de Airbus et du TGV, et il organisa le réseau autoroutier autour de Paris.
Enfin, pour ne pas tout citer, il travailla à nous transmettre sa passion dans les arts et les lettres, la transmission des savoirs et de la culture. Il eu pour Ministre d'État chargé des Affaires culturelles André Malraux dans quatre gouvernements successifs sous De Gaulle, à partir de 1962.
Ainsi restructura-t-il la société toute entière, jusqu'à l'approche de sa mort, pour améliorer notre sort commun et nous lui devons tout ce dont nous bénéficions encore aujourd'hui en France dans l'organisation du travail ou face à la maladie. Mais ses bienfaits s'estompèrent avec les révoltes sociales précédent le premier choc pétrolier en 1973 et la fin de nos trente années les plus glorieuses en France. Il se savait probablement condamné depuis 1971 et en 1974, la maladie le rattrapa.
Son Premier ministre, le co-auteur de ses réformes entre 1969 et 1972, fût Jacques Chaban-Delmas, un Saint-Cyrien, grand sportif, ancien résistant, devenu général de brigade, député-maire et trois fois président de l'Assemblée nationale. Pour son discours d'investiture en tant que Premier ministre de Pompidou, Chaban fut assez éclairé, établissant les bases d'une «Nouvelle Société» (mais à sa façon), comme un acte de foi et de solidarité.
Hélas, depuis Pompidou, tout tend à prouver que les technocrates qui se sont succédés, issus des grandes écoles, furent des bons-à-rien et des incultes. Pompidou lui n'était pas un inculte, mais sans doute un des derniers humanistes reconverti «dans l'intérêt de la France» en «capitaine d'industrie». Ses successeurs se contenteront souvent de perpétuer maladroitement ce que Pompidou avait conçu et réalisé.
Par exemple François Mitterrand, lui aussi condamné par la maladie, ne fut souvent qu'un «petit joueur» aux remarques acerbes: «Cela ne vous regarde pas !» se plaisait-il à dire. Giscard d'Estaing lui fût le plus inspiré de tous ces Présidents en écrivant une «Constitution européenne» et Jacques Chirac passa du bon temps en allant bouffer du saucisson et tâter le cul des vaches au Salon de l'agriculture.
Aucun de tous ceux-là dénoncèrent les défauts criminels de cette industrialisation forcenée de notre pays: des usines immensément polluantes et une agriculture productiviste obèse et destructrice à base de produits chimiques, celle imposée par La politique agricole commune (la PAC) pour obtenir les plus hauts rendements possibles.
Après, que dire de Macron, versus Pompidou, en imaginant un tel combat sur le ring?
Macron n'est lui qu'un poids coq (quand Pompidou était un poids lourd), même avec le boxeur Édouard Philippe comme premier ministre. Sa vision est rétrécie et il ressemble à tous ces technocrates fondus dans le même moule des grandes écoles: sa culture semble notablement insuffisante, voire curieusement absente et plus basée sur un exercice de mémoire que sur une compréhension historique, même s'il passe ses nuits d'insomnie à lire. Mitterrand, Sarkozy et Hollande avaient eux aussi essayé de se frotter à la culture moderne avec plus ou moins de bonheur et parfois dans des registres secondaires: la littérature mais aussi le cinéma, la chanson pop etc.
Hélas, l'essentiel n'est pas ce que l'on peut en voir: la «culture humaniste» nait de l'observation, de la comparaison, de l'étude, du plaisir et du souvenir. Intellectuel dans les livres, sensuel dans les musées (dont la France est riche) et dans la nature admirable, l'humanisme établit naturellement des échelles de valeurs pour juger de son temps. Il n'a rien de prémâché ni de prévisible et donne le goût de l'effort, du voyage et de la conquête.
A l'opposé, le développement du «tout numérique» dont Macron a été le ministre sous la présidence de François Hollande favorise une «culture hors sol», la numérisation/virtualisation de tous les éléments qui semblent caractériser notre exception culturelle, le transfert de toutes les informations numérisées vers les bases de données du «Big data» en Amérique ou en Inde pour ensuite les restituer à la demande sur des écrans quelconques, le captage de nos identités en passant pour monétiser ces transferts, l'utilisation du réseau de communication «plug and pay» américain et le tout orchestré in fine sur les places boursières dans le culte du profit roi et de la réussite insolente: «Tiens, bouffe, c'est du rata...».
Macron est-il le génie qu'on imagine? Gagne-t-il des parts de marché ailleurs que dans l'industrie de l'armement militaire? S'il sacrifie des pans entiers de la France: l'espace aérien (Air France); l'espace électronique, informatique et numérique avec la fuite de nos technologies et de nos ingénieurs (après l'échec d'Alcatel-Lucent, de Matra, d'Alstom démantelé et cédé à General Electric ou Siemens); nos administrations publiques bientôt numérisées dans le Big Data et externalisées en Inde; nos commerces ubérisés dont les hôtels et les restaurants et le tout offert à l'hégémonisme des grandes puissances, des multinationales et des marchés financiers, alors un tel gouvernement menace grandement notre économie et notre indépendance. Bientôt, nous serons muséifiés et statufiés comme des cons, un képi sur la tête et une baguette sous le bras.
D'ailleurs, je pense qu'on nous a survendu le "beau gosse": s'il a éprouvé le besoin d'épouser à tout prix sa "professeure de lettres" qui animait jadis l'atelier théâtre dans son lycée, ça prouve seulement qu'il est allé à l'école et qu'il a fait un blocage sur sa prof. Est-il plus intelligent pour cela? Je ne crois pas non plus à sa précocité, mais seulement à son opportunisme: il a séduit une femme mariée, voilà. Mais emmener sa prof à la maison n'est pas forcément une bonne idée... C'est comme une seconde mère! Il lui restera donc encore à apprendre l'indépendance, voire la solitude pour évoluer.
Macron se veut le représentant d'une «génération numérique», au moment où les nouveaux smartphones semblent avoir réponse à tout, avec l'assistance de programmes pseudo-intelligents. Son QG opérationnel informatisé l'a-t-il aidé à remporter les élections présidentielles? Sans doute mais cela le dessert face à la stature d'un Georges Pompidou. Le traitement et l'étude d'une grande masse d'informations personnelles peut favoriser un candidat sans parti et sans soutien en lui indiquant les bons choix, comme dans une élection truquée par Donald Trump, mais sans rien ajouter à sa grandeur. Pour ces hommes on parle de «charisme», une chose mystérieuse pour décrire leur succès surprenant, mais Steve Jobs hier ou Donald Trump aujourd'hui peuvent nous paraître absolument détestables malgré leur réussite personnelle.
On parle souvent «d 'intelligence artificielle» à propos des machines mais ce ne sont que des super-programmes qui servent de plus en plus à faire tourner le monde sur des écrans de contrôle avec des opérateurs, des informaticiens et des programmeurs derrière. Il reste aux robots, pour devenir «humainement intelligent», de se mettre vraiment à notre service, c'est à dire d'intégrer une «démarche humaniste»... Sauf que l'humanisme ne s'invente pas, ne se copie pas ni ne se décrète, et ce ne sont pas des gamins dans des salles informatisées qui peuvent traduire une culture ancienne, dont ils ignorent tout, en langage machine. Ainsi, pour faire simple, comment intégrer la pauvreté, l'ignorance, l'isolement, la vieillesse, la maladie et la mort dans leurs algorithmes? Et au service de qui, dans quel projet et par quelles manipulations?
Pompidou se mit au service des hommes et non d'une société virtualisée «plug and pay». Il ne voulait pas d'une «super-structure étatique» dirigée par un sphinx à la façon de François Mitterrand ou un dieu comme Jupiter (le nom de son labrador). Il se demandait simplement comment améliorer la vie de chacun, et il élabora les réformes correspondantes comme autant de programmes sophistiqués présentés aux citoyens : «Vous en avez rêvé? Je l'ai fait...» mais rien à voir avec un ordinateur Apple et la vanité d'un Steve Jobs.
Pompidou expliqua qu'il croyait plus en l'homme qu'en la société. Sauf qu'il y a un nouveau concept à inclure à son discours, et Georges Pompidou l'aurait vite assimilé: la société prise dans son ensemble agit comme un super-organisme auto-destructeur avec sa folie guerrière, ses industries polluantes rejetant des gaz à effet de serre et son agriculture intensive fatale à la biodiversité.
Pour redresser ces penchants mortifères, il faudrait que chaque individu prenne conscience d'être la partie d'un tout et de la menace globale qui pèse sur la planète entière par effet de contamination: le réchauffement climatique, l'épuisement des ressources, l'injustice croissante de la condition humaine entre le Nord et le Sud, le manque d'eau, les guerres etc.
Chacun d'entre nous devrait avoir la capacité d'interpeller le pouvoir en place pour faire pencher la balance du bon côté des choses, alors que les puissants, les riches, les pourvus, les industriels et les agriculteurs, les banquiers et les financiers, les gouvernements, les lobbys et tout l’Establishment demeurent dans le déni. Ceux-là repoussent le "principe de précaution" (qui dit:"dans le doute, abstiens-toi", un principe de sagesse élémentaire) pour protéger leurs intérêts économiques à court terme, même quand ils savent que le coût social et planétaire sera infiniment supérieur aux bénéfices additionnés de quelques uns d'entre eux. Et une fois leurs méfaits accomplis, le principe "pollueur-payeur" est bafoué...
Je pense à cet agriculteur bien seul dans sa montagne, qui voit ses ruches vides d'abeilles et ses pieds de lavande desséchés. Jadis, ses ancêtres luttaient victorieusement contre les aléas climatiques, mais que faire contre les pesticides neurotoxiques et les gaz a effet de serre?
Le vrai problème est que le simple citoyen, même suffisamment informé, est privé de l'opportunité de s'exprimer en Europe (et pire ailleurs) pour dénoncer les abus évidents.
Notre seul espoir pour nous faire entendre en tant que «société dans l'imminence d'une destruction planétaire» est de «pétitionner». En l'absence de ces pétitions, nos dirigeants organisent des consultations de leur choix ou des référendums inutiles, avec des questionnements qui ne remettent pas en cause leur gouvernance.
Les «machines intelligentes» pourraient être utiles à l'humanité en faisant remonter les craintes de chacun vers nos gouvernements respectifs et en palliant aux excès industriels partout sur la planète. Les cerveaux électroniques ou quantiques, les automates et les robots deviendraient, dans un scénario catastrophe, des «super-flics» chargés de sauver la Terre contre notre irresponsabilité, par tous les moyens et toutes les restrictions possibles. En résumé, la forme la plus évoluée des machines serait de nous asservir pour nous protéger de nous même!
Pour éloigner le spectre d'une auto-destruction inéluctable, il faudrait qu'Emmanuel Macron se pose les bonnes questions: que faire pour nous protéger des industries ravageuses, de la pollution, des machines menaçantes et du transhumanisme au service de projets totalitaires? Quelles seraient, pour nous rendre la vie moins désespérante, les réformes à engager sans plus attendre?
Écoutons en quels termes humanistes s'exprimaient Georges Pompidou* et Jacques Chaban-Delmas*.
*«La République doit être celle des politiques, au sens vrai du terme, de ceux pour qui les problèmes humains l'emportent sur tous les autres, de ceux qui ont de ces problèmes une connaissance concrète, née du contact avec les hommes, non d'une analyse abstraite ou pseudo-scientifique de l'homme. C'est en fréquentant les hommes, en mesurant leurs difficultés, leurs souffrances, leurs désirs et leurs besoins immédiats, tel qu'ils les ressentent ou tel parfois qu'il faut leur apprendre à les discerner, qu'on se rend capable de gouverner, c'est-à-dire effectivement d'assurer à un peuple le maximum de bonheur compatible avec les possibilités nationales et la conjoncture extérieure. L'époque n'est plus à Louis XVI dans son palais de Versailles, au milieu de ses grands, mais rien n'y ressemblerait davantage qu'un grand ordinateur, dirigeant de la salle de commande électronique le conditionnement des hommes.» Dixit Georges Pompidou.
*«La nouvelle société que nous devons construire doit être aussi, faut-il le dire, une société solidaire ; solidaire, certes, à l'égard des faibles et des malchanceux, et à cet égard figurent au premier rang de nos préoccupations les mal logés, les personnes âgées, les handicapés et les veuves. Mais je n'aurais garde d'oublier ces travailleurs étrangers qui assument dans notre économie les travaux les plus pénibles et dont les conditions d'accueil et de vie doivent être améliorées. Notre société doit être également solidaire à l'égard des catégories sociales et des individus qui sont particulièrement touchés par l'indispensable mutation de nos structures économiques. Ce gouvernement veut être celui de la réconciliation et de l'action. Depuis des siècles, notre vieux pays a connu toutes les gloires et toutes les misères; triomphes et défaites se sont succédés; les régimes ont passé et des hommes dont l'amour pour la France ne pouvait être suspecté se sont déchirés au nom même de cet amour. Bien des blessures, des rancœurs et peut-être des haines subsistent encore. Assurer à l'homme sa dignité, lutter contre toutes les injustices, tel est le sens du grand combat que nous devons mener. Il s'agit là d'un grand effort qui ne peut se concrétiser, se réaliser que dans l'union de tous». Extrait du discours d'investiture de Jacques Chaban-Delmas.
Et je pense au ministre de la Transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot, quand il cherche à nous mobiliser face aux catastrophes qu'entraînent le réchauffement climatique:
«Nous avons collectivement une immense responsabilité... Nous ne pouvons plus entretenir des divisions, réelles ou factices, alors que cet enjeu appelle une réponse universelle. La confrontation politique est nécessaire, mais sur ce point, faisons la paix. J'appelle à une union sacrée sur le climat...».
Et si la nouvelle société française devenait moins industrielle et plus écologique? Comment la dessineriez vous, monsieur Macron? Ne vous réfugiez pas dans le virtuel et devenez le précurseur d'une écologie réelle et solidaire quand le monde part à la dérive. Car, malheureusement, la pollution est optimisée par les industriels pour atteindre des bénéfices records, quitte à s'acquitter d'un «bonus-malus écologique» en passant les taxes correspondantes par la case «pertes et profits»: un simple jeu comptable, quoi! Merde in France.
Auparavant, Georges Pompidou a acquis l'expérience de premier ministre en dirigeant quatre gouvernements successifs, sous la présidence du général de Gaulle. Il entraîna dans son sillage politique trois générations de futurs présidents: Valéry Giscard d'Estaing, François Mitterrand et Jacques Chirac.
Il décrivit François Mitterrand «sur les rives paisibles de l'opposition, comme les émigrés de l'Ancien Régime sur les rivages de l'Angleterre» et il lui dit : «l'avenir n'est pas à vous... L'avenir n'est pas aux fantômes». Et Mitterrand, une fois devenu président, fut tout aussi féroce avec ses adversaires: de DSK, il jugea que «C’est un jouisseur sans destin». Et DSK lui-même, viré du FMI, affirma à son tour que «Le PS n'a pas d'avenir et c'est une bonne chose».
Pompidou accepta finalement à contre cœur que la Grande-Bretagne, le cheval de Troie des États-Unis, entre dans la CEE, au risque de mettre en péril la Politique agricole commune (la PAC). Et la Grande-Bretagne montrera ses exigences et sa volonté d'indépendance, jusqu'à ce dernier référendum très récent pour sortir de l'UE, le Brexit.
Humaniste, Pompidou osa en son temps demander à redistribuer en partie les richesses accumulées pendant les «Trente glorieuses» par les nouveaux riches et offrir quelques avantages inespérés aux pauvres, aux ouvriers, aux femmes et aux handicapés dans les années 1970, avec par exemple des nouveaux hôpitaux modernes et humanisés, des aides pour les familles et des ressources pour les personnes âgées, la réforme du système de retraite, des garanties sociales face à l'accident, la maladie, la vieillesse, la mensualisation des salaires, la revalorisation du travail ouvrier et la formation professionnelle, la création d'une allocation aux adultes handicapés, la politique de congés payés la plus généreuse de la Communauté européenne, la réforme du salaire minimum etc.
Son nom évoque encore «la capacité de l'État à mener l'industrialisation du pays», si possible dans la concertation (pour éviter un nouveau mai 68).
Face à la multiplication des accidents de la route, Pompidou créa le Comité interministériel de la sécurité routière, ce qui n'a pas empêché depuis des centaines de milliers de morts et surtout d'handicapés qui saturent les hôpitaux et creusent le déficit de notre «Sécurité sociale».
Pompidou modernisa notre agriculture et encouragea l'agro-industrie sans savoir les ravages que cette industrialisation allait occasionner dans les cinquante ans à venir, avec la politique européenne de la PAC et la toute puissante FNSEA pour gérer les conflits d'intérêts. En même temps, il développa l'aménagement du territoire et organisa le remembrement, qui est devenu la ruine de nos campagnes. Malgré tout, il créa le Ministère de l’Environnement avec «la volonté politique de défendre la nature dans les années 70».
Il participa au lancement du premier satellite français, à la réussite de Airbus et du TGV, et il organisa le réseau autoroutier autour de Paris.
Enfin, pour ne pas tout citer, il travailla à nous transmettre sa passion dans les arts et les lettres, la transmission des savoirs et de la culture. Il eu pour Ministre d'État chargé des Affaires culturelles André Malraux dans quatre gouvernements successifs sous De Gaulle, à partir de 1962.
Ainsi restructura-t-il la société toute entière, jusqu'à l'approche de sa mort, pour améliorer notre sort commun et nous lui devons tout ce dont nous bénéficions encore aujourd'hui en France dans l'organisation du travail ou face à la maladie. Mais ses bienfaits s'estompèrent avec les révoltes sociales précédent le premier choc pétrolier en 1973 et la fin de nos trente années les plus glorieuses en France. Il se savait probablement condamné depuis 1971 et en 1974, la maladie le rattrapa.
Son Premier ministre, le co-auteur de ses réformes entre 1969 et 1972, fût Jacques Chaban-Delmas, un Saint-Cyrien, grand sportif, ancien résistant, devenu général de brigade, député-maire et trois fois président de l'Assemblée nationale. Pour son discours d'investiture en tant que Premier ministre de Pompidou, Chaban fut assez éclairé, établissant les bases d'une «Nouvelle Société» (mais à sa façon), comme un acte de foi et de solidarité.
Hélas, depuis Pompidou, tout tend à prouver que les technocrates qui se sont succédés, issus des grandes écoles, furent des bons-à-rien et des incultes. Pompidou lui n'était pas un inculte, mais sans doute un des derniers humanistes reconverti «dans l'intérêt de la France» en «capitaine d'industrie». Ses successeurs se contenteront souvent de perpétuer maladroitement ce que Pompidou avait conçu et réalisé.
Par exemple François Mitterrand, lui aussi condamné par la maladie, ne fut souvent qu'un «petit joueur» aux remarques acerbes: «Cela ne vous regarde pas !» se plaisait-il à dire. Giscard d'Estaing lui fût le plus inspiré de tous ces Présidents en écrivant une «Constitution européenne» et Jacques Chirac passa du bon temps en allant bouffer du saucisson et tâter le cul des vaches au Salon de l'agriculture.
Aucun de tous ceux-là dénoncèrent les défauts criminels de cette industrialisation forcenée de notre pays: des usines immensément polluantes et une agriculture productiviste obèse et destructrice à base de produits chimiques, celle imposée par La politique agricole commune (la PAC) pour obtenir les plus hauts rendements possibles.
Après, que dire de Macron, versus Pompidou, en imaginant un tel combat sur le ring?
Macron n'est lui qu'un poids coq (quand Pompidou était un poids lourd), même avec le boxeur Édouard Philippe comme premier ministre. Sa vision est rétrécie et il ressemble à tous ces technocrates fondus dans le même moule des grandes écoles: sa culture semble notablement insuffisante, voire curieusement absente et plus basée sur un exercice de mémoire que sur une compréhension historique, même s'il passe ses nuits d'insomnie à lire. Mitterrand, Sarkozy et Hollande avaient eux aussi essayé de se frotter à la culture moderne avec plus ou moins de bonheur et parfois dans des registres secondaires: la littérature mais aussi le cinéma, la chanson pop etc.
Hélas, l'essentiel n'est pas ce que l'on peut en voir: la «culture humaniste» nait de l'observation, de la comparaison, de l'étude, du plaisir et du souvenir. Intellectuel dans les livres, sensuel dans les musées (dont la France est riche) et dans la nature admirable, l'humanisme établit naturellement des échelles de valeurs pour juger de son temps. Il n'a rien de prémâché ni de prévisible et donne le goût de l'effort, du voyage et de la conquête.
A l'opposé, le développement du «tout numérique» dont Macron a été le ministre sous la présidence de François Hollande favorise une «culture hors sol», la numérisation/virtualisation de tous les éléments qui semblent caractériser notre exception culturelle, le transfert de toutes les informations numérisées vers les bases de données du «Big data» en Amérique ou en Inde pour ensuite les restituer à la demande sur des écrans quelconques, le captage de nos identités en passant pour monétiser ces transferts, l'utilisation du réseau de communication «plug and pay» américain et le tout orchestré in fine sur les places boursières dans le culte du profit roi et de la réussite insolente: «Tiens, bouffe, c'est du rata...».
Macron est-il le génie qu'on imagine? Gagne-t-il des parts de marché ailleurs que dans l'industrie de l'armement militaire? S'il sacrifie des pans entiers de la France: l'espace aérien (Air France); l'espace électronique, informatique et numérique avec la fuite de nos technologies et de nos ingénieurs (après l'échec d'Alcatel-Lucent, de Matra, d'Alstom démantelé et cédé à General Electric ou Siemens); nos administrations publiques bientôt numérisées dans le Big Data et externalisées en Inde; nos commerces ubérisés dont les hôtels et les restaurants et le tout offert à l'hégémonisme des grandes puissances, des multinationales et des marchés financiers, alors un tel gouvernement menace grandement notre économie et notre indépendance. Bientôt, nous serons muséifiés et statufiés comme des cons, un képi sur la tête et une baguette sous le bras.
D'ailleurs, je pense qu'on nous a survendu le "beau gosse": s'il a éprouvé le besoin d'épouser à tout prix sa "professeure de lettres" qui animait jadis l'atelier théâtre dans son lycée, ça prouve seulement qu'il est allé à l'école et qu'il a fait un blocage sur sa prof. Est-il plus intelligent pour cela? Je ne crois pas non plus à sa précocité, mais seulement à son opportunisme: il a séduit une femme mariée, voilà. Mais emmener sa prof à la maison n'est pas forcément une bonne idée... C'est comme une seconde mère! Il lui restera donc encore à apprendre l'indépendance, voire la solitude pour évoluer.
Macron se veut le représentant d'une «génération numérique», au moment où les nouveaux smartphones semblent avoir réponse à tout, avec l'assistance de programmes pseudo-intelligents. Son QG opérationnel informatisé l'a-t-il aidé à remporter les élections présidentielles? Sans doute mais cela le dessert face à la stature d'un Georges Pompidou. Le traitement et l'étude d'une grande masse d'informations personnelles peut favoriser un candidat sans parti et sans soutien en lui indiquant les bons choix, comme dans une élection truquée par Donald Trump, mais sans rien ajouter à sa grandeur. Pour ces hommes on parle de «charisme», une chose mystérieuse pour décrire leur succès surprenant, mais Steve Jobs hier ou Donald Trump aujourd'hui peuvent nous paraître absolument détestables malgré leur réussite personnelle.
On parle souvent «d 'intelligence artificielle» à propos des machines mais ce ne sont que des super-programmes qui servent de plus en plus à faire tourner le monde sur des écrans de contrôle avec des opérateurs, des informaticiens et des programmeurs derrière. Il reste aux robots, pour devenir «humainement intelligent», de se mettre vraiment à notre service, c'est à dire d'intégrer une «démarche humaniste»... Sauf que l'humanisme ne s'invente pas, ne se copie pas ni ne se décrète, et ce ne sont pas des gamins dans des salles informatisées qui peuvent traduire une culture ancienne, dont ils ignorent tout, en langage machine. Ainsi, pour faire simple, comment intégrer la pauvreté, l'ignorance, l'isolement, la vieillesse, la maladie et la mort dans leurs algorithmes? Et au service de qui, dans quel projet et par quelles manipulations?
Pompidou se mit au service des hommes et non d'une société virtualisée «plug and pay». Il ne voulait pas d'une «super-structure étatique» dirigée par un sphinx à la façon de François Mitterrand ou un dieu comme Jupiter (le nom de son labrador). Il se demandait simplement comment améliorer la vie de chacun, et il élabora les réformes correspondantes comme autant de programmes sophistiqués présentés aux citoyens : «Vous en avez rêvé? Je l'ai fait...» mais rien à voir avec un ordinateur Apple et la vanité d'un Steve Jobs.
Pompidou expliqua qu'il croyait plus en l'homme qu'en la société. Sauf qu'il y a un nouveau concept à inclure à son discours, et Georges Pompidou l'aurait vite assimilé: la société prise dans son ensemble agit comme un super-organisme auto-destructeur avec sa folie guerrière, ses industries polluantes rejetant des gaz à effet de serre et son agriculture intensive fatale à la biodiversité.
Pour redresser ces penchants mortifères, il faudrait que chaque individu prenne conscience d'être la partie d'un tout et de la menace globale qui pèse sur la planète entière par effet de contamination: le réchauffement climatique, l'épuisement des ressources, l'injustice croissante de la condition humaine entre le Nord et le Sud, le manque d'eau, les guerres etc.
Chacun d'entre nous devrait avoir la capacité d'interpeller le pouvoir en place pour faire pencher la balance du bon côté des choses, alors que les puissants, les riches, les pourvus, les industriels et les agriculteurs, les banquiers et les financiers, les gouvernements, les lobbys et tout l’Establishment demeurent dans le déni. Ceux-là repoussent le "principe de précaution" (qui dit:"dans le doute, abstiens-toi", un principe de sagesse élémentaire) pour protéger leurs intérêts économiques à court terme, même quand ils savent que le coût social et planétaire sera infiniment supérieur aux bénéfices additionnés de quelques uns d'entre eux. Et une fois leurs méfaits accomplis, le principe "pollueur-payeur" est bafoué...
Je pense à cet agriculteur bien seul dans sa montagne, qui voit ses ruches vides d'abeilles et ses pieds de lavande desséchés. Jadis, ses ancêtres luttaient victorieusement contre les aléas climatiques, mais que faire contre les pesticides neurotoxiques et les gaz a effet de serre?
Le vrai problème est que le simple citoyen, même suffisamment informé, est privé de l'opportunité de s'exprimer en Europe (et pire ailleurs) pour dénoncer les abus évidents.
Notre seul espoir pour nous faire entendre en tant que «société dans l'imminence d'une destruction planétaire» est de «pétitionner». En l'absence de ces pétitions, nos dirigeants organisent des consultations de leur choix ou des référendums inutiles, avec des questionnements qui ne remettent pas en cause leur gouvernance.
Les «machines intelligentes» pourraient être utiles à l'humanité en faisant remonter les craintes de chacun vers nos gouvernements respectifs et en palliant aux excès industriels partout sur la planète. Les cerveaux électroniques ou quantiques, les automates et les robots deviendraient, dans un scénario catastrophe, des «super-flics» chargés de sauver la Terre contre notre irresponsabilité, par tous les moyens et toutes les restrictions possibles. En résumé, la forme la plus évoluée des machines serait de nous asservir pour nous protéger de nous même!
Pour éloigner le spectre d'une auto-destruction inéluctable, il faudrait qu'Emmanuel Macron se pose les bonnes questions: que faire pour nous protéger des industries ravageuses, de la pollution, des machines menaçantes et du transhumanisme au service de projets totalitaires? Quelles seraient, pour nous rendre la vie moins désespérante, les réformes à engager sans plus attendre?
Écoutons en quels termes humanistes s'exprimaient Georges Pompidou* et Jacques Chaban-Delmas*.
*«La République doit être celle des politiques, au sens vrai du terme, de ceux pour qui les problèmes humains l'emportent sur tous les autres, de ceux qui ont de ces problèmes une connaissance concrète, née du contact avec les hommes, non d'une analyse abstraite ou pseudo-scientifique de l'homme. C'est en fréquentant les hommes, en mesurant leurs difficultés, leurs souffrances, leurs désirs et leurs besoins immédiats, tel qu'ils les ressentent ou tel parfois qu'il faut leur apprendre à les discerner, qu'on se rend capable de gouverner, c'est-à-dire effectivement d'assurer à un peuple le maximum de bonheur compatible avec les possibilités nationales et la conjoncture extérieure. L'époque n'est plus à Louis XVI dans son palais de Versailles, au milieu de ses grands, mais rien n'y ressemblerait davantage qu'un grand ordinateur, dirigeant de la salle de commande électronique le conditionnement des hommes.» Dixit Georges Pompidou.
*«La nouvelle société que nous devons construire doit être aussi, faut-il le dire, une société solidaire ; solidaire, certes, à l'égard des faibles et des malchanceux, et à cet égard figurent au premier rang de nos préoccupations les mal logés, les personnes âgées, les handicapés et les veuves. Mais je n'aurais garde d'oublier ces travailleurs étrangers qui assument dans notre économie les travaux les plus pénibles et dont les conditions d'accueil et de vie doivent être améliorées. Notre société doit être également solidaire à l'égard des catégories sociales et des individus qui sont particulièrement touchés par l'indispensable mutation de nos structures économiques. Ce gouvernement veut être celui de la réconciliation et de l'action. Depuis des siècles, notre vieux pays a connu toutes les gloires et toutes les misères; triomphes et défaites se sont succédés; les régimes ont passé et des hommes dont l'amour pour la France ne pouvait être suspecté se sont déchirés au nom même de cet amour. Bien des blessures, des rancœurs et peut-être des haines subsistent encore. Assurer à l'homme sa dignité, lutter contre toutes les injustices, tel est le sens du grand combat que nous devons mener. Il s'agit là d'un grand effort qui ne peut se concrétiser, se réaliser que dans l'union de tous». Extrait du discours d'investiture de Jacques Chaban-Delmas.
Et je pense au ministre de la Transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot, quand il cherche à nous mobiliser face aux catastrophes qu'entraînent le réchauffement climatique:
«Nous avons collectivement une immense responsabilité... Nous ne pouvons plus entretenir des divisions, réelles ou factices, alors que cet enjeu appelle une réponse universelle. La confrontation politique est nécessaire, mais sur ce point, faisons la paix. J'appelle à une union sacrée sur le climat...».
Et si la nouvelle société française devenait moins industrielle et plus écologique? Comment la dessineriez vous, monsieur Macron? Ne vous réfugiez pas dans le virtuel et devenez le précurseur d'une écologie réelle et solidaire quand le monde part à la dérive. Car, malheureusement, la pollution est optimisée par les industriels pour atteindre des bénéfices records, quitte à s'acquitter d'un «bonus-malus écologique» en passant les taxes correspondantes par la case «pertes et profits»: un simple jeu comptable, quoi! Merde in France.
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