mardi 17 octobre 2017

Billet d'humour : « Christine Angot ou la duplicité des intellectuels », dans le blogiblag du 18/10/2017 (LJ ©2017).

Si j'ai traité précédemment de la duplicité des riches qui se font passer pour pauvres pour mieux capitaliser, je veux ici aborder le sujet de « la duplicité des intellectuels ». Et s'il est une femme admirable dans cet exercice solitaire, c'est Christine Angot. Fourvoyée par mégarde dans « ONPC », son discours haché et sinueux révèle une intellectuelle pur jus, raison pour laquelle nul ne devrait lui jeter l'anathème à propos de son dernier dérapage. Pour sûr, elle a déconné face à Sandrine Rousseau : avec son regard bas des mauvais jours, Angot a refusé toute légitimité à cette tête pensante d'Europe Écologie Les Verts qui osait parler « au nom de toutes les femmes violentées ».

C'est que Christine Angot a bâti son discours et son succès littéraire sur sa souffrance intérieure, celle de l'inceste. Écrivaine, elle refuse toute posture, toute victimisation au milieu des abuseurs, des violeurs et des pédérastes. Non, jamais plus elle n'endossera ce rôle en allant porter plainte inutilement, d'autant qu'il y a « prescription », mais quelle connerie : c'est un piège, une stigmatisation réservée aux brebis bêlantes qu'on mène à l'abattoir avec une fausse compassion.

Peu lui chaut Harvey Weinstein, qui restera célèbre pour ses frasques sexuelles en profitant de plusieurs générations de starlettes (au temps béni du droit de cuissage dans les coulisses des studios de cinéma). Et qu'importe la mort de Hugh Hefner, fêté par tous les médias, lui qui a prostitué les femmes (mais pas « la femme », une entité qui n'existe pas...) dans sa revue «Playboy». Car elle connaît trop bien la nature profonde des hommes, celle de prédateurs-jouisseurs. Derrière chaque prise de pouvoir au sein de la famille comme de l'entreprise, il y a des mains baladeuses et des abus sexuels. Oui, elle les connaît les Dominique Strauss-Kahn, les Bill Clinton, les Bill Cosby etc. mais elle leur dénie définitivement cette dernière coercition quand il faut venir en plus s'humilier devant les tribunaux.

Curieusement, les Américains auront été infiniment plus prompts à condamner Strauss-Kahn que Weinstein ou Cosby, cinquante ans après des carrières entièrement dédiées au lucre et au stupre : on ne voit bien la paille que dans l’œil de son voisin !

Christine Angot, concevant le phénomène dans sa globalité, ne peut pas simplement venir s'asseoir pour écouter les plaintes de quelques victimes expiatoires, ni quêter une quelconque « parole rédemptrice »: elle se voit plus grande et mieux armée. Chaque femme ne devrait-elle pas devenir un îlot de résistance ? Pourquoi attendre une porte-parole, même pure et vertueuse comme en a l'air Sandrine Rousseau ? Il faut « s'arranger » avec la réalité et chacune comme elle peut, car chaque cas est différent.

Ce faisant, au milieu de la fine équipe composée de Ruquier (un branleur de mots qui pouffe à chacune de ses blagues, avec le mauvais goût des amuseurs publics) et de Moix ( un branleur de subjonctifs pédant et pète sec), voilà que notre petite intellectuelle se met à son tour à saucissonner les propos de ses adversaires, à ratiociner plus que de raison pour conclure stupidement par un « C'est mon avis » qui clôt le débat (comme en use habituellement Yann Moix) . Ah, mais quelle erreur de casting de la part de Ruquier et de Catherine Barma ! Bien sûr, je comprends l'urgence de défendre Christine Angot et de dissimuler son « pétage de plombs » aux yeux des téléspectateurs ( Ruquier-Barma ont gardé les pleurs dans les yeux de la biche aux abois, histoire de faire le buzz ). En 1986, au « Jeu de la vérité » avec Patrick Sabatier, la production n'avait pas hésité à ruiner la carrière de Chantal Goya.

Surtout, cette fine équipe qui joue les trublions du PAF a raté le coche et la marche : merde, ils auraient pu anticiper la révolte des femmes avec l'affaire Weinstein ! Sans doute Ruquier est-il plus pressé d'anticiper le retour de « la Manif pour tous » ou de donner des leçons au pape François car la sodomie n'est plus un péché, seulement une extension du domaine de l'amour. Son ex-chroniqueur Aymeric Caron, lui, a critiqué (mal à propos) le mot d'ordre jugé spéciste #BALANCETONPORC sur les réseaux, mais on connaît sa lutte au nom de la cause animale : des cochons sacrifiés par millions à notre appétit méritent infiniment plus de respect, autant que tous les chiens battus, surtout venant de milliers de femmes victimisées.

Contre l'avis péremptoire de Christine Angot, l'affaire des abus sexuels est devenue virale et politique.

Et quoi ? Une intellectuelle a accepté imprudemment de participer à ce cirque médiatique des fins de semaines, quand les bobos se prélassent sur leurs divans, sans autre posture que sa bonne conscience et sa parole torturée et tortueuse autant que son cortex ? En plus, elle est allergique à la politique et aux politiciens : de fait, la voici en échec à chacune de ses interventions. Mais Ruquier n'avait pas pu résister en l'embauchant, pour changer des journalistes avec des vraies questions mais sans cesse éludées ! L'essentiel n'est-il pas de parvenir au
cœur du débat par des chemins de traverse ? Et puis, le cadeau du patron : une petite copine pour jouer avec Yann Moix, ce faux intellectuel de salon qui se prend pour une huître perlière, ce « pince sans rire » doté d'un humour de bulot hargneux (tellement loin de celui de Paul Meurisse), et de rire... ou de pleurer. 

Comment concilier sur un même plateau l'humour LGBT, moralisateur et christianophobe de Laurent Ruquier, tout dans la dénonciation, avec l'intellectualisme pervers de Christine Angot, assistée du très prétentieux Yann Moix (Sciences Po, prix Goncourt du premier roman et Prix Renaudot) ? C'est un mauvais calcul de la production d'opposer cette élite, venue s'attaquer à la médiocrité des dernières parutions littéraires et artistiques, au « tout venant » issu de la politique, de la scène, du sport, des banlieues etc. Pour Angot, l'intérêt n'est pas de surfer en 140 caractères sur les vagues du populisme et du politiquement correct et ces trois là, je vous l'assure, n'ont rien de féministe.  Ensemble, n'ont-ils pas épuisé en une nuit leur capital sympathie  pour les années à venir ?

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