Interview de Michel Ouélebec, écrivain à succès.
BlogiBlag: Michel Ouélebec, votre dernier roman, c'est une histoire sans queue ni tête...
MO: Ouélebec? C'est le petit surnom que me donnait ma maman pour que j'ouvre la bouche pour avaler les petits pots "carotte-brocolis" parce qu'elle n'avait plus de lait, BERK, j'en rote encore rien que d'y penser... Faut dire que j'étais poilu comme un petit chat noir à l'heure de ma naissance, quand ma mère m'a donné le sein pour la première et dernière fois mais heureusement, j'ai vite perdu ce duvet disgracieux. Après, je ne comprends pas sa froideur: était-elle neurasthénique?
BB: Votre roman commence comme un policier pour finir... Enfin, je ne veux pas spoïler l'histoire. Pouvez-vous en dire plus pour Blogiblag?
MO: Blogiblag? Ah bon, ça ressemble à doggy bag... Mais avez-vous seulement lu mon livre?
BB: Oui, la première et la dernière page pour savoir de quoi ça parle mais Blogiblag nous défend de tout lire pour vous laisser la liberté de défendre votre point de vue. Par contre, j'ai lu les critiques qui sont très partagées: soit on aime, soit on déteste ANÉANTIR. C'est comme la première gorgée de café, de bière ou de vin... Comme la première pipe, ah ah... Euh... mais que voulez vous anéantir?
MO: Je fais un constat clinique, c'est la mort du fonctionariat... "anéantir" sans majuscule et sans état d'âme. J'en profite pour rendre hommage aux grands fonctionnaires qui sont des hommes comme les autres, juste un peu plus cyniques pour supporter leur charge sans faiblir. J'ai été moi aussi fonctionnaire et je sais de quoi je parle.
BB: Votre héros s'appelle Paul Raison, que pouvez-vous en dire?
MO: Il y a un Michel Raison qui a travaillé avec Bruno Lemaire et qui était à ses débuts agriculteur et producteur de lait. Je l'ai connu quand je travaillais au ministère de l'Agriculture avec un diplôme d'ingénieur en agronomie qui ne m'a d'ailleurs jamais servi. Il est aujourd'hui sénateur de la Haute-Saône, je crois... Je ne décris pas des héros mais des fonctionnaires, c'est à dire des gens simples qui sont souvent amenés à prendre des décisions nous concernant, beaucoup et très vite.
BB: On dit que votre livre commence comme un roman policier et s'achève dans le drame de la fin de vie... C'est deux livres de Michel Ouélebec pour le prix d'un ?
MO: Bof, la vie de fonctionnaire n'est pas très drôle mais avec les problèmes d'espionnage et de cyber-criminalité, ça met un peu de sel. J'ai travaillé aussi au service informatique de l'Assemblée Nationale et j'en connais les rouages. Mais "auteur de romans policiers", c'est pas mon style alors je suis revenu à ce que je sais faire de mieux, les descriptions cliniques et l'humour cinglant... C'est comme une toile d'araignée, tout est connecté et quand l'intrigue fonctionne, je tire les ficelles sans état d'âme... Le dénouement vient tout seul et moi, je suis un démiurge.
BB: Vous avez un autre personnage qui s'appelle Prudence...
MO: Oui, j'ai beaucoup écouté les Beatles et "Dear Prudence" était pour moi une chanson d'amour, quand un garçon se réveille pour la première fois à côté d'une fille et il croit que ça va recommencer tous les jours : tout est beau et les petits oiseaux chantent. Ça a un côté rafraichissant et j'aimerais revivre ce moment là. Mais bon... Après, j'ai appris que c'était l'histoire triste d'une fille qui médite dans un ashram avec les Beatles dans leur période psychédélique, et elle ne veut pas sortir de sa chambre et profiter du bon temps avec la joyeuse bande.
BB: L'action de votre roman se passe en 2027. Est-ce un roman d'anticipation?
MO: J'aime beaucoup la science-fiction mais je ne fais que prévoir à court terme ce qui est dans l'air du temps, comme la disparition probable des fonctionnaires. Pour l'attentat de Charlie Hebdo ou pour le mouvement des gilets-jaunes, disons que j'ai senti les choses venir. Là, on dit que je me suis bien trompé mais je m'en fou, c'était pas le but. Je ne travaille pas comme oracle, non plus. On a tous imaginé un jour zigouiller un contrôleur des impôts ou un connard derrière son guichet qui vous fait perdre votre temps, mais ce sont des types comme tout le monde et s'ils devaient disparaître comme les dinosaures, je serais triste. On disparaît toujours trop tôt.
BB: On dit aussi que vous êtes vulgaire et mysogine. Pouvez-vous me donner envie de lire votre roman?
MO: Ma mère était docteur en médecine et je ne l'ai pas trop connue. Moi, j'ai fait des études d'agronomie avant d'écrire et faire de la prise de vue. Ça donne un peu de distance et très tôt je me suis posé la question sur le rôle des femmes, et j'ai senti le besoin de réécrire ma vie. Peut-être ai-je déçu ma mère? L'adolescence est ingrate. Après, beaucoup d'hommes ne savent pas construire une histoire d'amour et n'auront pas de seconde chance. Quand ils sont mariés, ils retrouvent leur femme le soir au moment de se coucher et ils ont de l'amour une idée charnelle: chérie, tu veux bien niquer ce soir? C'est triste mais c'est comme ça et pareil concernant la mort : c'est proche et en même temps lointain, et quand elle arrive, on est déjà absent à la vie parce que les choses n'ont plus aucune importance ou alors parce que c'est trop dure à supporter: le bonhomme en a marre sans se l'avouer. Il est tendu comme une corde d'arbalette alors il se relâche un peu et casse sa pipe en quelques jours. Certains même sont surpris d'avoir un cancer inopérable en phase terminale mais ils l'acceptent comme une fatalité. J'ai donc essayé de mettre de l'amour et de l'empathie dans le réel, comme un paysan qui bichonne ses vaches avant d'aller se coucher seul, froid et fatigué. Il a le droit après tant de sacrifices de se branler un bon coup pour se vider les génitoires! C'est l'idée qu'il a de l'amour. Qui sommes-nous pour le juger? Un bourgeois fera plutôt appel à une call-girl qui viendra lui poser un préservatif et lui faire une petite gâterie. Car la pipe est aux riches ce que la branlette est aux pauvres : consubstantielle. Mes personnages ont donc un certain niveau car je n'aime pas trop décrire les malheurs des prolétaires. À quoi bon en rajouter?Alors voilà... Le haut fonctionnaire rêve de se faire sucer, c'est comme ça. Je ne vous ai pas trop déçue, j'espère?
BB: Ah non... Merci Michel Ouélebec de votre sincérité !
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