Voilà, je viens de faire un marathon de 6 jours non stop d'informations, étendu sur mon lit. J'ai tout entendu sur les radios nationales, tous les délires, toutes les inventions, et j'ai cherché des confirmations sur les écrans de télévision. Je suis passé par des phases d’excitation et de révolte, et j'ai dormi par à-coups. Maintenant, c'est la phase d'acceptation : avec Charlie Hebdo, la France du 20éme siècle est morte et enterrée !
144 heures alité, les oreilles grandes ouvertes, sans trêve ni repos... J'ai fait pipi-caca dans des couches-culottes que j'ai jetées sous mon lit dans des sachets plastiques, et j'ai pleuré ma race ou ce qu'il en reste, car je me sens bien seul. Suis-je un info-maniaque ? Quelque chose ne tourne plus rond et j'ai l'impression qu'un hélicoptère géostationnaire me survole en permanence.
Tout ce temps, les journalistes m'ont pris en otage dans un grand show médiatique : trois hommes armés, prêts à mourir, nous ont fait la guerre, merde ! Qu 'en serait-il s'ils étaient trois mille ? Dans ma petite chambre à Paris, j'entends toujours les sirènes de la police et des pompiers comme un état de siège permanent. Est-ce vraiment fini ? Je l'espère. Les hélicoptères ont survolé mon HLM pendant toute l'affaire « Coulibaly », puis pendant la grande manifestation jusqu'à la place de la Nation, à deux pas de chez moi. Leur balai est incessant, le ronronnement des moteurs et des pales.
La France est-elle devenue fasciste ou communiste ? À vous de décider. Big Brother en a profité pour prendre le pouvoir. Il va le garder tout le 21ème siècle. Les parisiens sont reconnaissants qui baisent les pieds des CRS et tout ce qui porte un uniforme et un gilet pare-balles. 500 policiers sont venu affronter un salaud qui s'était retranché avec armes, munitions et explosifs dans une arrière-boutique. Les musulmans prétendent que ce n'était pas un vrai musulman mais je ne les crois pas : il a fait sa prière et il est mort ! Ils disent aussi qu'il ira au paradis de Allah, accueilli par quatre mille vierges.
Le facteur m'a glissé les journaux sous la porte : dans le Parisien, on ne voit plus que lui, avec son portrait en pleine page, Coulibaly et ses amis, Coulibaly et sa famille, Coulibaly et son éducateur, Coulibaly dans son quartier, Coulibaly et son amie, Coulibaly amoureux, Coulibaly à la prière, Coulibaly à l'entraînement, Coulibaly à Paris. Ce gars, c'est comme Eddie Murphy dans « Un prince à New York ».
Et c'est pas ce crétin de Dieudonné qu'il faudrait condamner pour son mauvais jeu de mots mais « le Parisien » pour son apologie de Coulibaly.
Mais pourquoi a-t-il fait ça ? J'ai l'impression qu'il avait fait allégeance aux fondamentalistes, et qu'il est loin d'être le seul dans ce cas. Dire qu'ils mettent des ceintures d'explosifs aux petites filles et des kalashnikovs dans les mains des petits garçons, tout en prétendant qu'ils sont civilisés et pacifiques... Je crois aussi que les Français musulmans sont dans le déni : les terroristes, ce sont des frères, des fils... Ils commencent comme caïds dans les quartiers et finissent leur éducation dans les prisons. Pour les filles, s'est encore pire, elle n'existent pas. Bon, que leurs enfants aient refusé de faire la minute de silence et qu'ils écrivent : « Je ne suis pas Charlie », je peux le comprendre mais qu'ils soient jaloux des juifs en disant : « C'est tout pour eux ! » quand il faut cinq mille militaires pour sécuriser les rues, les écoles, les synagogues sans oublier les mosquées, merde ! Ce ne sont pas leurs enfants qu'on fauche à Paris, à la sortie des écoles... Des milliers de prisonniers musulmans ont fait gueuler leurs télés pendant la minute de silence.
Coulibaly, j'en suis sûr, avait une très haute opinion de lui-même et la République ne pouvait pas le satisfaire. Alors, à quoi bon penser à un énième plan de réinsertion ? Peut-être, à la place de la prison, aurait-il fallu le déconditionner pour qu'il renonce à ses promesses assassines.
Bon, voilà, je crois que je vais me lever de mon lit, après ce marathon de l'info. Quand j'étais ado, à l'âge ingrat, j'avais cassé trois lames de sommier en me masturbant et j'avais traversé mon lit : les pompiers avaient dû user d'un treuil pour me décoincer ! C'est là que j'ai su que j'étais en surpoids. Depuis j'ai un lit en fer avec des planches glissées sous le matelas. Plus tard, quand j'ai eu vingt ans, un beau noir frisé aux yeux bleus m'a expliqué le racisme dont il se croyait victime. Je lui ai répondu que tous les français connaissent un jour ou l'autre l'exclusion sournoise : les petits, les gros, les sans diplômes, les pauvres, les timides, les handicapés etc. Le gars m'a regardé de haut : « Oui, mais toi t'es qu'une merde ! ». Après, il m'a expliqué le plaisir qu'il avait chaque fois de faire l'amour dans la forêt, sous le soleil de la Guyane Française. Peut-être tout simplement n'était-il pas à sa place ici ? Peut-être attendait-il trop de la France ? J'aurais bien aimé faire l'amour sous les palmiers, même une fois. Non, je ne suis pas jaloux, mais quand même...
Il y a des jours où je suis Zemmour, d'une blancheur émasculée, sauf que maintenant Zemmour, ben il faut deux gardes du corps pour le protéger et toutes apparitions en public lui sont interdites. Ils ont réussi à le bâillonner. Des politiciens de gauche et des faux intellectuels de papier-journal l'accusent d'être à l'origine de tous nos problèmes, commettant le pire des amalgames, mettant en danger sa vie comme une fatwa. Pourtant, j'en témoigne, le danger vient d'avant 2001 et la chute des Twin Towers. Le 25 juillet 1995 vers 17 heures, j'étais dans le RER B à la station Saint-Michel juste avant l'attentat meurtrier qui a fait dans le train suivant 8 morts et 117 blessés. Et je sais que cette haine recuite, servie 20 ans après, est notre pire cauchemar.
Après, je décide de sortir un peu : « Va t'aérer » me disait ma maman ! Je descends boire un café au coin de ma rue. J'habite au sixième, dans les combles. Mais quelle torture de descendre des escaliers si étroits et si raides, avec autant de marches ! Essoufflé, la voix rauque et une haleine de hyène après six jours enfermé chez moi à bouffer des chips et des crottes au chocolat allongé sur mon canapé-lit, je demande à Mohamed, le serveur :
_ hem... Un double café bien serré...
_ Quoi ? Hein, j'ai pas entendu... Mais c'est pas grave si on se comprend pas. Moi, je parle arabe, une langue de merde... Nooon, je plaisante !
Chaque fois avec les blagues de Momo, je pisse de rire dans ma culotte. Faut dire que j'ai perdu le réflexe de me contenir. À la fin, il me dit :
_ Tu vois, si tous les arabes étaient comme moi, y'aurait moins de morts !
J'avise la pile de journaux des jours précédents et je me tape trois « Libé » l'un après l'autre, collé au comptoir : faut dire que j'ai de la lecture en retard. L'info me délecte entre deux gorgées de café. Momo me dit : « Moi, je suis dégoûté du café arabe. Mais on a un très bon coulis-Bali de framboise sur fromage blanc ». Partout apparaissent les photos des 3 derniers criminels abattus, ce qui m'afflige un peu : il y a d'autres gars plus intéressants sur Terre ! Mohamed me dit que « Coulibaly », c'est comme « Dupont » chez nous. J'apprends aussi que dans les quartiers, il était apprécié pour sa sagesse : prudent sur la gâchette, il bossait proprement et avait le cœur sur la main. Appliqué, c'était un braqueur exemplaire. Il avait un vrai boulot, comme Robin Hood ! Tiens, ça m'émeut.
Dans la rue, les flics n'arrêtent pas leur ramdam avec les sirènes et les gyrophares : j'en ai jamais vu autant. Momo dit que c'est stratégique : c'est les mêmes qui occupent le terrain en faisant des allées et venues ! Moi, je ne crois pas que 30 000 fonctionnaires pour surveiller 1500 jihadistes (reconnus en France) qui jouent les « sous-marins », cela changera quoique ce soit : c'est l'illusion du tout sécuritaire. Et si les gardiens de prison s'énervent, c'est qu'après la purge d'austérité ils se voyaient déconsidérés. Notre président Hollande, lui, semble de toutes les batailles et de toutes les embrassades. Finies les restrictions budgétaires sur l'armée et la police, y compris les centrales atomiques : en une seule semaine, avec l'aide de Ségolène, Hollande est revenu sur tous ses engagements de 2014. Alors, un gouvernement d'union nationale pour finir son quinquennat ? Poh poh, c'est une utopie... Non, la bataille s'est perdue à l'école sous Mitterrand, quand l'honnêteté est passée de mode et que « juif » est devenu la plus grave des insultes. Maintenant, on peut bien mettre dix mille militaires dans les rues, c'est peine perdue puisque le vers est dans le fruit.
Et puis ça m'agace en lisant les pseudo-philosophes de chez « Libé » : tous ces soi-disant profs d'universités, écrivains, chercheurs aux CNRS, directeurs d'obscures commissions et représentants très officiels des islamistes de France qui nous expliquent tout de go que « la situation est de votre seule et entière responsabilité ». Curieusement, nous semblons tous frappés du syndrome de Stockholm après le massacre de 17 innocents : en bref, si nous ne lavons pas notre péché collectif, nous périrons ! Ah, soumission, quand tu nous tiens... En fait, il faudrait peut-être rajouter une 18éme victime avec le gamin lâchement poignardé à la sortie de son école. Mais silence... Du coup, les musulmans de France se contentent de crier à l'amalgame et au complot ! Non, je ne veux pas jeter de l'huile sur le feu, mais ça dépasse l'entendement.
De temps en temps, je pique du nez sur le comptoir et je fais des micro-siestes. À mon réveil, Mohamed est hilare comme d'habitude. Je ramasse le journal à mes pieds. Moi, c'est Houellebecq qui m'intéresse : je ne crois pas qu'il soit parti skier. Il doit couver une bonne grosse dépression chez lui. Aux dernières nouvelles, il était en Allemagne pour présenter son livre. Mais bon, avec son énorme blaire, ses cheveux raides, ses yeux en trous de bite et sa peau de crapaud, en caricature sur Charlie Hebdo ou en vrai peut-être, il ne sera jamais à la hauteur de Coulibaly et des frères Kouachi.
Comme Houellebecq, j'ai été fonctionnaire mais pas longtemps : le chef de service, un arabe encore, m'avait proposé d'épouser sa cousine – 1m50 et 96 kilos à l'âge de 46 ans – en échange de ma conversion à l'Islam. J'avais été surpris par son offre faite sur le ton de la plaisanterie, quoique généreuse. Seule et abandonnée, elle espérait que je l'accueille en France. C'était l'époque où Frank Ribéry venait de se convertir. J'ai expliqué que j'habitais une modeste chambre sans confort. Le soir même, le petit chef m'avait convoqué dans son bureau pour me dire à regret qu'il ne pouvait plus me garder.
Il y a des jours où je suis Houellebecq, sauf qu'ils ont réussi lui aussi à le faire taire. Son dernier livre, « Soumission », je ne l'ai pas vu ni lu mais j'y crois. C'est une question de foi laïque. Houellebecq qui dérape en s'exclamant : " Et la religion la plus con..." a au moins autant d'humour que Cabu quand il écrit dans une bulle : " C'est dur d'être aimé par des cons...". Car, pour exercer son esprit critique, il faut se dégager des consensus mous.
Aujourd'hui 14 janvier 2015 vient de paraître Charlie Hebdo : en dessin, même pas une vraie caricature, un type quelconque, peut-être un prophète, tient une affiche : « Je suis Charlie », la larme au coin de l’œil. Moi, j'aurais représenté deux crayons en croix avec dessous : « Jésus Charlie » et ces mots : « Tout est pardonné ». On a pas le même humour ! En réaction, les musulmans ont répondu sur les réseaux sociaux : « Je ne suis pas Charlie » parce que selon eux, il y a un flagrant délit de blasphème et c'est tout ce qu'on mérite, quoi ! À nous de passer sous leurs fourches caudines, à nous l'allégeance. Car l'affaire est risquée et une fatwa relayée par leurs enfants n'a pas de fin, on en a la preuve. Profitant de l'occasion, le gars de la ligue de défense des musulmans de France propose que la République forme et rémunère des imams, des nouveaux aumôniers (pour les prisonniers musulmans, qui sont une majorité à être incarcérés), et que l'islam devienne enfin « religion officielle ». C'est cela la laïcité du 21ème siècle bien comprise, il faut s'y résigner : moins d'églises et plus de minarets, moins de cloches et plus de muezzins, et le minimum syndical musulman.
Alors voilà, promis juré craché, je ne ferais plus de blagues lourdingues sur eux, ils sont déjà assez affligés comme ça. « C'est pas nous ! » mais si, quand même un peu, regardez : les terroristes ce sont vos fils, qui sont nés à Paris, la plus belle ville du monde. Ils sont grands, beaux et forts. Et les mères pleurent dans le secret de leur cœur : « Mon petit... ».
Il est temps de mettre des puces de marquage et des bracelets électroniques à tous les djihadistes de retour en France pour qu'ils justifient de leur présence menaçante, de leurs accointances et de leurs communications.
Après ce marathon de l'actualité, je crois que je vais dormir deux jours non-stop. Curieusement je pense à Jane Fonda dans l'impérissable : « On achève bien les chevaux » et puis après je pense à « La Dolce Vita » de Fellini, parce qu'Anita Erkberg vient de décéder. Et nous sommes morts avec elle à la douceur de vivre et à l'insouciance d'un 20ème siècle glorieux. Notre avenir est botté, avec une puce RFID dans l'oignon. Déjà, Big Brother nous appuie sur la tête pour nous courber à sa volonté. Tout ça à cause d'une bande d'inconscients.
Dans « Libé », un chercheur improbable d'un « Groupe sociétés, religions, laïcités du CNRS » nous explique le massacre du 7 janvier comme « un crime organisé par des Français sur le sol français [], l'islam n'étant qu'une couleur, une nuance, une subtilité... », et puis des tas d'écrivains s'en donnent à qui mieux mieux : « Nous, depuis des années, faisons tout, jour après jour, pour pousser des Français arabes à la faute », « Charlie à payé à notre place, pour nos péchés... » , « les psychopathes ne sont qu'une infime minorité », « à faire monter l'islamophobie et l'antisémitisme... cela ne pouvant déboucher que sur l'autodestruction ou la destruction de l'autre. ». Là, j'ai un reflux d'information : une purée brûlante me monte jusqu'à la gorge puis redescend. Mais par quel déni de responsabilité ? Nous sommes proches du négationnisme. La guerre de religion partout en Afrique et au Moyen-Orient, l'exécution programmée des juifs et des chrétiens, les fatwas appelant chaque musulman à faire le plus de mal possible, et c'est nous les coupables ? Quelle « stigmatisation », quel « rejet » à posteriori, c'est à dire après les faits avérés et répétés plusieurs fois, autorise « une partie de la jeunesse des quartiers » à nous assassiner en criant Allah akbar ? Peut-être faudrait-il un programme pour que ces énergies s'investissent dans leurs pays de prédilection plutôt que de revenir nous exterminer, et ce n'est pas du racisme.
Philippe Tesson, invité chez l'immonde Morandini (un comique de supermarchés qui occupe indûment les ondes avec son rire contrefait), s'est écrié : "Et les fanatiques, ils ne sont pas musulmans peut-être ? Alors, qu'ils règlent déjà le problème entre eux !". " C'est dit... " mais sa parole est dénigrée par ses confrères et remise en question devant les tribunaux. Dans la même logique, Charlie Hebdo devrait être cité à comparaître devant les juges européens : critiqué sévèrement dans la moitié du monde pour irrespect, la marge de manœuvre de l'hebdomadaire s'est réduite comme peau de chagrin. Car petit à petit, nous voici déchus de nos mérites hexagonaux et chassés de nos origines républicaines communes d'enfants pauvres, mais tendres et honnêtes. Oser dire : « Je suis Charlie » c'est comme dire : « Je suis du 20éme siècle en France, d'avant le politiquement correct et les menaces de mort. Je suis resté comme mon père, et son père : ouvrier, gueule noire, commerçant, paysan, français ou immigré, travailleur, anarchiste, bon vivant, comique troupier, blasphémateur, poète, nationaliste, fier, moustachu etc. Je ne me définis pas par ma religion ou mes origines communautaires mais par mon mérite, mon travail et mon talent dans ce pays. Iconoclaste du crayon, je ne suis pas un slogan désincarné : je suis Charb, Wolinski, Cabu, Cavana et tous les autres , des ritals, des polaks, des portos, des négros, des youds, des espingouins. « Je suis international et je le reste, et dans le verbe et dans le geste », sans que cela n'altère en rien mon amour de la France. ».
Oui, je serai Charlie, encore et encore, tous les jours jusqu'à la fin de ma vie. Mais c'est pas ça qui va refonder la République. Bon, je retourne me coucher. Promis, je ne dirais plus rien.