vendredi 20 mars 2020

Journal du coronavirus: «L’argent contaminé et les mains sales menacent nos petits vieux», dans le blogiblag du 20/03/2020 (LJ©2020).

Évidemment, chacun est libre de tirer ses conclusions mais les faits sont là: les pays qui résistent le mieux au coronavirus sont à la fois les plus disciplinés et les plus préventifs, et donc le minimum de morts (après la Chine, en proportion de sa population) est par exemple observé en Corée du Sud et au Japon. Là, les tests de détection ont été généralisés très tôt à l’ensemble de la population et le port du masque a été rendu obligatoire à tous. Il faut dire qu’avec un masque sur le nez et la bouche pour des milliers de gens dans les rues, les risques de contamination sont pris tous de suite bien plus au sérieux: c’est plus difficile de se bécoter à Tokyo qu’à Marseille, surtout que ce n’est pas dans leurs us et coutumes. Les clochards eux éternueront dans leurs coudes s’ils le peuvent et se moucheront dans leurs manches… et qu’ont choisi de faire les Français? Aucun masque en vente et la raréfaction du gel hydroalcoolique: comment fait-on pour se laver les mains dans la rue? Ben, on ne se lave pas et on ne se désinfecte pas, on fait exactement comme les clochards. Et puis, on se sert la pogne et voilà, rien à voir avec le salut asiatique, la tête baissée. Si cette pandémie devait durer des mois, faudrait-il ouvrir des «lavabos publics» pour se laver les mains? Hélas, à Paris comme partout ailleurs en France, les élus ont supprimé depuis longtemps les points d’eau, les robinets et les fontaines, les toilettes et les bancs publics. À quoi sert le mobilier urbain JCDecaux ou autre? Ce sont des panneaux d’avertissement, des panneaux publicitaires et lumineux etc… misère! L’information seule est inhumaine.
 
Le petit soucis, c’est que si les clients n’échangent pas leurs virus en se tenant à plus d’un mètre de distance, ils échangent dans tous les cas leur argent, des billets et de la monnaie, et puisqu’ils ne peuvent pas se désinfecter les mains, ils ramassent sur les comptoirs des commerçants et dans les réceptacles des caisses automatiques des pièces contaminées. L’argent était déjà connu comme un danger transmettant des dizaines d’agents infectieux mais curieusement les commerçants ne cherchent pas à s’en protéger: «Ce n’est pas l’argent mais les gens qui contaminent!» m’a répondu une petite vendeuse dans une boulangerie en encaissant ma monnaie, devant sa patronne goguenarde. «Ah bon? Il me semble que l’un ne va pas sans l’autre», ai-je répondu. Et un vendeur sans gants de chez N..., rue Saint-Antoine, a refusé de verser la monnaie dans ma main recouverte d’une serviette en papier, en faisant cette remarque par derrière: «S’ils font des manières, je leur met l’argent parterre». Seulement voilà, c’est moi qui risque bien plus que lui avec cet argent qui passe de main en main: lui est en pleine santé, moi je suis plus faible et j’ai deux fois son âge… Tiens, s’il faut choisir de nous sauver l’un ou l’autre à l’hôpital, qui croyez-vous que les urgentistes intuberont entre nous deux? Un jeune en pleine santé ou un vieux con?
 
Les Allemands sont sans doute aussi les plus disciplinés d’Europe, contrairement aux Italiens et cela sans doute explique la différence du nombre de décès entre les deux pays, et même les Français juste derrière la frontière allemande, à seulement quelques kilomètres de différence (en Alsace par exemple) déclarent des taux de contamination et de mortalité très supérieurs.
 
Les employés d’Amazon sont les moins bien fournis en protections: un comble pour le plus grand fournisseur du monde! En France (où le masque a été décrit comme inutile, voire dangereux par Jérôme Salomon, directeur général de la Santé), on accuse quand même les passants et les clients de ne pas porter de masque et de diffuser leurs miasmes et donc les commerçants se mettent à bonne distance, sauf les caissières des supermarchés, ça va de soi. Malgré la pénurie organisée (les derniers achats stratégiques remonteraient à 2013), la moitié de nos concitoyens osent porter un masque simple ou perfectionné et quelques autres s’enroulent la tête de tissu. Mais ont-ils vraiment pris la mesure du problème? Car, quand je vois les gens faire la queue pour venir acheter des tranches de rosbeef ou des pains au chocolat, je me dis que ce ne sont pas des produits de première nécessité. Le jeu en vaut-il vraiment la chandelle? Il existe un «commerce des plaisirs» qui n’a rien à voir avec l’état d’urgence sanitaire et nos commerçants fanfaronnent ou parfois nous prennent pour des cons avec des considérations qui illustrent leur génie des affaires: le pognon a raison de tout! Ainsi, l’habitude fait loi et des millions de Français continuent de descendre s’approvisionner en bas de chez eux ou en trottinant un peu plus loin.
 
Non, je ne considère pas les commerçants, les médecins ou les policiers comme «de la chair à canon» ou des pauvres animaux «envoyés à l'abattoir», comme ils aiment à se décrire, c’est à dire une population sacrifiée sur le champ de guerre du coronavirus. Quelques uns vont succomber sur le nombre mais les plus jeunes, les militaires et les médecins seront sauvés en priorité et quand il faut débrancher un respirateur, c'est forcément celui du pauvre petit vieux qui ne mérite pas de vivre plus longtemps. Il y a des risques que ces professions ne veulent pas assurer et c'est bien compréhensible de vouloir se protéger mais cette guerre se passe surtout dans la tête. Et si l’état d’urgence était décrété au début de la grippe saisonnière pour sauver chaque année des milliers de vies, les médecins s’arrêteraient-ils de travailler l’hiver en demandant un «droit de retrait» parce qu'ils manquent de masques pour se protéger de la grippe? Et que feraient les commerçants s'ils devaient distribuer gratuitement de la nourriture? Combien ouvriraient boutique demain matin et combien feraient appel eux aussi à leur droit de retrait? Les policiers refusent d'affronter les terroristes sans fusils d'assaut et les militaires refusent de s'occuper du confinement de la population parce que "ce n'est pas notre mission". Mais les aide-soignantes et les caissières sont aussi en première ligne qui n'ont aucun droit de retrait à faire valoir: "On a pas de masques ni de tests", c'est tout.

On l'aura compris, il y a plus d'opportunisme que de sacrifice. Tout comme les grands laboratoires pharmaceutiques, chacun facture ses services en pesant soigneusement ses avantages et ses inconvénients. L’humanité ne s’est pas développée sur une Terre entièrement conquise et aseptisée, bien au contraire... Elle avance de crise en crise et la maladie fait partie des risques ordinaires depuis des millénaires. Mais en attendant un vrai vaccin, des traitements de substitution sont proposés suivant une stratégie thérapeutique qui analyse la balance bénéfice-risque, à défaut d'essais cliniques suffisants, comme c'est le cas du traitement antipaludéen conseillé par les épidémiologistes, vanté par Trump comme le reméde miracle et qui fait du coup l'objet des pires spéculations.
 
Oui, plus la pandémie sera longue et plus nous nous sentirons exposés (sans un traitement de fond) mais aujourd’hui, les morts se comptent surtout chez les plus malades et les plus âgés: on sait déjà que ce sont eux qui sont sacrifiés les premiers quand il faut faire un choix, en Italie comme en Chine, et j’ai surtout de la peine pour nos pauvres petits vieux qui prennent autant de risques en trottinant dans les rues sans être bien informés: une respiration au mauvais endroit ou une simple pièce de monnaie contaminée peuvent signer leur fin de vie.
 
Voilà, le confinement réveille les ardeurs guerrières: dans le couloir de mon immeuble, les gens s’engueulent… comme des lapins dans leurs clapiers qui se mordent en tournant en rond, et nous n’en somme qu’au 4ème jour. Ah oui, merde in France!

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