Palais de l’Élysée – 31 juillet 2025
Françaises, Français,
Je m’adresse à vous ce soir dans un moment de grande gravité pour notre pays et pour l’Europe. Car ce qui se joue depuis quelques jours n’est pas un simple différend commercial, mais un choix fondamental : celui de notre souveraineté, de notre avenir économique et de notre dignité collective.
Le 27 juillet dernier, sur le parcours du golf privé de Donald Trump en Écosse, un accord a été signé entre le président américain et la présidente de la Commission européenne, Madame Ursula von der Leyen. Cet accord, qui engage l’Union européenne, a été conclu en dehors des institutions qui représentent les peuples. Il n’a pas été soumis au Parlement européen. Il n’a pas été débattu devant vos représentants. Il a été négocié sous la menace, avec des ultimatums de droits de douane pouvant grimper, à la seule décision de Washington, jusqu’à 130 %.
On vous le présente comme un "partenariat historique", une garantie pour préserver nos exportations et notre prospérité. La vérité est tout autre : cet accord impose à l’Europe de transférer vers les États-Unis des richesses colossales qui n’ont rien à voir avec nos besoins, ni avec nos intérêts.
Au nom de la "stabilisation des marchés" et du "redressement américain", l’Europe s’engage à injecter mille milliards de dollars par an, pendant trois ans, directement dans l’économie américaine.
Elle s’engage à acheter, pour 750 milliards de dollars sur trois ans, les hydrocarbures américains, quand nous savons que plusieurs de nos nations – la France, l’Espagne, les pays scandinaves – produisent déjà un excédent d’électricité bas carbone.
Elle s’engage à absorber plus de cent milliards de produits agricoles américains chaque année, souvent aux normes que nous refusons pour protéger notre santé et notre environnement, ce qui fragilisera encore davantage nos agriculteurs.
Elle s’engage enfin à dépenser, via l’OTAN et nos budgets nationaux, près de six cents milliards de dollars en armements américains sur cinq ans, notamment pour financer un "Dôme d’Or" intégralement conçu et fabriqué aux États-Unis, alors que nos propres industries sont capables de répondre à ces besoins.
Et pendant ce temps, les profits des géants technologiques américains, près de deux cents milliards de dollars par an réalisés en Europe, continuent de nous échapper, exonérés d’impôts par des montages que cet accord sanctuarise.
Françaises, Français, tout cela représente plus de mille six cents milliards de dollars par an que notre continent verserait directement ou indirectement aux États-Unis : pour leur énergie, pour leurs produits, pour leurs armes, pour leurs géants numériques, et même pour soutenir leur dette publique qui dépasse aujourd’hui trente trillions de dollars.
Cette dette n’est pas la nôtre. Elle n’est pas celle de nos travailleurs, de nos entreprises, de nos familles. Elle résulte de choix économiques et politiques que nous n’avons jamais validés et qui ne sauraient être effacés au prix de notre avenir.
On vous dira que ce sacrifice est nécessaire pour protéger nos exportations, notamment celles qui enrichissent nos grandes fortunes du luxe, des cosmétiques, du vin et des spiritueux. Mais soyons clairs : ces fortunes continueront à prospérer, même si leurs produits coûtent 30 % plus cher. Ce ne sont pas elles qui paieront. Ce seront nos ouvriers, nos soignants, nos enseignants, nos agriculteurs, nos retraités, et tous ceux qui subissent déjà les crises successives depuis des années.
Je n’ignore pas que nous avons, nous-mêmes, alourdi notre dette nationale : les crédits d’impôt massifs aux grandes entreprises qui n’ont pas toujours tenu leurs promesses en matière d’emploi ; le "quoi qu’il en coûte" de la pandémie, qui a ajouté près de mille milliards de dette nationale à nos comptes publics. Mais jamais je n’accepterai que l’Europe et la France portent le fardeau d’une dette étrangère, d’un pays tiers, pendant que nos propres besoins en hôpitaux, en écoles, en infrastructures, en transition écologique restent sans réponse.
Cet accord, tel qu’il a été signé, n’est pas acceptable.
Il ne protège pas nos industries, il ne respecte pas nos standards, et il nie notre droit à décider pour nous-mêmes. Il consacre l’Europe comme un marché captif, soumis aux caprices d’un seul homme qui gouverne par décret et par réseaux sociaux, sans considération pour nos lois ni pour nos peuples.
Je vous le dis donc avec clarté : la France ne ratifiera pas cet accord.
Et elle appellera ses partenaires européens à se dresser pour le renégocier ou le rejeter. Car céder aujourd’hui, ce serait accepter demain que l’Europe disparaisse comme puissance libre et devienne un simple instrument pour renflouer le Trésor américain, pendant que Moscou et Pékin avancent leurs intérêts, sans contrainte et sans scrupule.
Françaises, Français, nous devons refuser l’humiliation et la dépendance. Nous devons protéger ce qui nous appartient : notre économie, notre modèle social, notre souveraineté. La France y veillera, et elle ne sera pas seule.
Vive la République. Vive la France. Vive l’Europe indépendante.
Emmanuel Macron
LJ©2025 Attention, ceci est une proposition d'allocution présidentielle adressée à M. Macron.