mardi 19 mai 2020

Comment défendre le véganisme : «L’équation personnelle des véganes», dans le Blogiblag du 20/05/20 (LJ©2020).

Je voudrais présenter quelques arguments - au service de tous - dans le but d'encourager le véganisme.

Si nous prenons la définition stricte, les véganes sont des individus qui excluent, autant que possible en pratique, l’usage de tout produit d'origine animale (végétalisme) et adoptent un mode de vie respectueux des animaux (nourriture, habillement, cosmétiques, loisirs…).

Les véganes sont donc des consommateurs qui absorbent et utilisent les objets mis à leur disposition, en excluant les produits d’origine animale. Ainsi, les véganes ne cherchent pas tant à protéger les animaux qu’à les exclure de leur circuit de consommation. Surtout, ils essaient de ne pas consommer de la «maltraitance animale» et s’assurent ainsi de la moralité de leurs pourvoyeurs. Ils s’opposent à ce que la «Société de consommation» réduise la vie animale à une décomposition facile et généralisée: par exemple, les producteurs et les éleveurs parlent d’un animal mort comme d’un «beau produit», les bouchers parlent de «minerai de viande», les cuisiniers utilisent continuellement des extraits animaux dans leurs plats (gélatine en pâtisserie), les chimistes décomposent les animaux en molécules à usage industriel (suif en savonnerie), et ne parlons pas des fourrures et du cuir dans l’habillement etc.

Cette définition des véganes contredit tous les procès d’intention qui assimilent les véganes à «des producteurs, éleveurs ou agriculteurs sans scrupules qui représentent la grande distribution». Non, les véganes sont d’abord des consommateurs sélectifs qui font des choix particuliers pour leur bien être personnel. Cependant, les produits animaux étant omniprésents dans les productions artisanales, fermières et surtout industrielles, il leur est impossible de faire une sélection absolue et donc de ne jamais consommer quoique ce soit d’origine animale, d’autant que les enfants, par exemple, dépendent des choix de leurs parents. Ainsi, le véganisme est-il le plus souvent un idéal, un concept engageant à la discussion. Mais ce n’est pas non plus une science avec des arguments irréfutables et chacun défend son véganisme à hauteur de ses rêves et de ses prétentions.

Le végane est, par ce que je viens de dire, un consommateur averti essayant de résoudre une «équation personnelle» dans la mesure de son libre-arbitre. Pour compléter ses approvisionnements respectueux du Vivant, il peut faire appel en complément à «la filière biologique et écoresponsable» qui essaie de moins prélever dans la nature, de moins polluer la planète et surtout de garantir une vie décente aux animaux sauvages ou d’élevage condamnés à mort par notre appétit démesuré.

Et par exemple, ce youtubeur
dans "Pourquoi le véganisme va disparaitre avant 2045 /Ma ferme autonome", qui réduit le «mouvement végane» à «un champ de terre morte, sans vie animale sur terre et sous-terre, destiné à une agriculture intensive et productiviste»… et bien, son argumentaire est fallacieux car il ignore la définition de "véganisme" et surtout, il se trompe de cible. Il devrait accuser plutôt les agriculteurs peu scrupuleux qui utilisent des méthodes industrielles et des fausses dénominations pour s’enrichir avec un moindre effort (cultures mécanisées à base d’intrants chimiques pour désherber, désinsectiser et engraisser rapidement des terres pauvres). De plus, rajouter que le vers de terre et le bœuf sont d’égale importance, car ils comptent chacun pour «une vie végane», conduit à une confusion majeure: si l’agriculteur désigné, ici un producteur labellisé «végan», cultive de la sorte ses terres appauvries tout en exterminant des milliards de vers de terre et d'autres vies minuscules («plus que tous les abattages d’animaux sur la Terre entière!»), le petit consommateur végane qui vient lui acheter ses marchandises ne peut pas être accusé d’avoir exterminé à lui seul ces milliards de petits animaux plus ou moins enterrés ni de les avoir seulement empêché de naître.

1) l'origine du véganisme ou "végétalisme intégral" remonte a la fin de la deuxième guerre mondiale, avec la création de la Vegan Society en 1944 et l'édition d'un livre de cuisine intitulé "Vegan recipes". Le véganisme, un végétalisme à la mode occidentale, a donc pris naissance en Angleterre où il a été considéré dès le début comme une philosophie et un mode de vie promouvant des solutions alternatives à l'exploitation animale. Cependant, ce mouvement idéaliste n'a jamais pris en France, contré par l'art de vivre à la française, la "bonne bouffe" et la gastronomie, avec par derrière la recherche de super-rendements agricoles imposés par la CEE et le lobbying de la FNSEA.

2) Dans la mesure ou NOUS TOUS  en France mangeons indifféremment ces nourritures issues de l’agriculture intensive depuis des dizaines d'années, le simple consommateur végane ne peut pas aujourd'hui être tenu RESPONSABLE à lui SEUL de cette agriculture presque "hors sol" et "hors vie" qui n’est pas de son choix. Historiquement, l’agriculture intensive  n’a jamais été le propre des véganes et elle ne peut pas servir à les définir en tant que tels pour les culpabiliser.

3) Pratiquement, si un champ de culture stérile dédié à la culture intensive nourrit 10 véganes en empêchant d’éclore 10 milliards de vers de terre, inversement ces 10 véganes ne sont pas les propriétaires ni les cultivateurs de ce champ stérile, et chaque végane ne tue pas 1 milliard de vers de terre chaque fois qu'il achète une boîte de céréales dans le supermarché du coin. Les véganes ne sont pas des bouchers qui consomment des végétaux ou sinon, c'est le monde à l'envers.

4) La même logique poussée jusqu’à l’absurde reviendrait à dire qu’en mangeant une tranche de pain, CHACUN DE NOUS tue des milliards d’animaux puisque «le levain naturel utilisé est lui aussi vivant»: ce levain mélangé à la farine se caractérise par une flore microbienne complexe principalement composée de bactéries lactiques mais également de levures et de moisissures, soit des milliards de micro-organismes formant un écosystème particulier qui servent à aérer la mie du pain en s'y dissolvant à la cuisson.
 

5) Toujours plus absurde, et puisque notre corps héberge des milliards de bactéries, en décédant NOUS TOUS exterminerons à notre mort des milliards de vies microscopiques qui nous habitent en secret, et donc bien plus que tous les abattoirs sur Terre pendant notre vie entière: on évalue à 100000 milliards le nombre de bactéries dans notre organisme (soit 99% d’ADN étranger). Faut-il en déduire que les véganes sont des menteurs et des criminels qui avancent masqués en tuant à tours de bras tous ces pauvres animaux?
 

6) Le véganisme en France demeure une simple pratique: ce n’est pas une philosophie  reconnue,  ni une science, ni un mode d’agriculture, ni une politique, ni une religion, ni une obligation quelconque et ses revendications sont méprisées ou simplement ignorées par la majorité des consommateurs. Cependant, comme toute pratique, il a ses extrémistes  et ses faits divers.

7) Le véganisme s’oppose donc, par la pensée mais aussi par quelques manifestations sporadiques, au carnivorisme. Bien sûr, cela ne l’autorise pas à attaquer les boucheries. Et heureusement, ces cas sont très rares, tout comme les billets de banques (en règle générale) ne sont pas brûlés par les pauvres en manque... Les véganes convaincus qui revendiquent ou ceux qui osent venir faire leur «coming out» se voient de plus en plus combattus et opposés à des «anti-véganes» qui les traitent d’ignares, voire de terroristes, pour les convaincre de retourner aux règles anciennes préétablies, celles d’un marché ancestral indifférent à la protection des animaux. On s'imagine bien, par exemple, revenir aux «Tueries» organisées dans les cours des boutiques  et jusque dans nos rues au moyen-âge, comme cela est encore organisé en pleine air en Afrique ou en Asie. Vous parlez d'une réjouissance pour les passants! Heureux soit le secret organisé des abattoirs en Europe, ce même secret d'état entourant les mouroirs de petits-vieux, des maisons de retraite et autres Ephad qui dénombrent malheureusement des milliers de morts prématurées chaque année, en temps de canicule ou d’épidémie. 

8) Et moi qui ne suis pas végane, qui suis-je? Un (anti-anti-végane)-(anti-carnivore)-carnivore, peut-être? C’est un peu comme si les peintres réalistes classiques s’étaient sentis menacés par les peintres impressionnistes qui auraient été menacés à leur tour par les peintres de l’abstraction, eux-mêmes rappelés à l’ordre par les peintres figuratifs: et donc, dans nos musées, faut-il mettre au rencart les peintres impressionnistes qui ont eu le tort de venir concurrencer les peintres classiques? N'y a-t-il pas plusieurs façons de voir les choses, toutes aussi respectables?
 

9) Les véganes sont-ils aussi un peu artistes pour oser se différencier de la sorte et vivre librement leur inadmissible végétalisme? Le censeur (carnivore) qui censure le censeur (végane) qui lui censure notre mode de vie cannibale (nous partageons avec toutes les autres espèces animales et végétales une origine et des gênes communs), ce censeur-carnivore est-il plus tolérant que ce censeur-végane? Et pour quelle idéologie contraire, selon quels arguments capello-tractés? Ceux que j’ai entendus sont minables.

10) Tiens, écoutons les propos à «basse valeur ajoutée» du faux-losophe Michel Onfray: «[L'écologiste est…] un végan qui met le bien être des animaux au niveau des hommes, nous empêchant de les élever pour les manger. En fait, l'animal n'est pas un être vivant mais un «produit», qui plus est «culturel» [issu de la transformation par génie génétique des espèces au service de nos appétences préhistoriques]». Onfray n'est donc qu'un viandard qui prétend régenter nos vies! Peut-être devrait-il se pencher sur la philosophie végane telle qu'elle se définit outre-manche, avec infiniment plus de subtilité.


11) Oui, le véganisme mériterait, chez nous comme ailleurs, un traitement philosophique sérieux, à l'égal du stoïcisme professé  dans la Grèce antique. Car ce mode de vie questionne notre société moderne et nous fait rêver, tout en demeurant presque impossible à mettre en place. Hélas, Onfray, Enthoven et tous les autres arnaqueurs du sujet philosophique (un club de pervers narcissiques), sont bien incapables de philosopher sur ce thème tellement essentiel. Par exemple, si Michel Onfray s'habille d'hédonisme et d'épicurisme, on sait qu'il n'est qu'un âne bâté et un jouisseur qui se donne des airs anciens. Ne sommes nous pas tous hédonistes et épicuriens en proportions variables, et peut-être bien plus que lui? De la même façon, soyons écologistes à des degrés divers.
 
Le véganisme en particulier est combattu en France et demeure depuis des décennies balbutiant, élémentaire et alimentaire. Mais sans doute est-ce mieux ainsi: L'écoresponsabilité est une réponse que chacun peut composer librement face à une situation politico-économico-sociale hautement dégradée, sous l'effet pervers d'un productivisme criminel. Même les "produits végans de supermarché" ressemblent à une mode coûteuse packagée par des industriels opportunistes.

12) Un véritable "Art de la cuisine végane à la française", en complément des connaissances culinaires traditionnelles et des vieilles habitudes alimentaires, nécessiterait le suivi de nutritionnistes conquérants en plus d'un savoir faire reconnu. De fait, le véganisme  100% pur jus n'est ni possible, ni conseillé, ni souhaitable sans surveillance médicale. Car cette solution de s'abstenir de consommer des "produits animaux" (dits carnés) ne convient pas à beaucoup d'entre nous et doit donc être mitigée suivant le profil de chacun. Les véganes pourraient organiser des "jours végans", des "repas de fêtes végans" et des "diètes véganes" occasionnelles pour apprendre à se faire du bien sans y ajouter des souffrances animales. 

Hélas, l'approche végane, souvent présentée comme une quête de l'absolu, demeure expérimentale et menace la santé de quelques uns par son intransigeance. La philosophie devraient apporter des réponses: par exemple, le végétalisme intégral, tout comme le stoïcisme intégral, n'est-ce pas une vue de l'esprit?

"Pourquoi j’arrête d’être végan après 2 ans de véganisme? Le but n'est pas de discréditer le véganisme mais simplement de partager ce que j'ai vécu. Ce qui est vrai pour moi ne l'est pas forcément pour d'autres. Mon corps a des forces et des faiblesses que d'autres n'ont pas, et chacun fait avec son propre organisme". /Morgane

13) De nos jours, le carnivorisme, le viandisme et la lutte anti-végans enseignés par la vieille école représentent une contre-évolution. Ceci étant dit, le véganisme sous une forme douce et concrète pourrait passer progressivement en France de "Ridicule et Dangereux" à "Évident",  suivant la formule de Schopenhauer. 

Tiens, et si chacun de nous devait abattre l’animal qu’il souhaite dévorer en prélevant sur la bête la part qui lui revient, combien d’entre nous préféreraient devenir végétariens plutôt que de tuer et découper un agneau, un veau, une vache, un cheval, un lapin, un poulet et même un magnifique poisson? Et si chacun de nous devait assister à une mise à mort à la chaine de tous ces animaux, serions nous toujours aussi affamés de chair fraîche à l'issue de cette expérience tragique? En vrai, nous n'ignorons rien des pratiques dans les abattoirs mais l'estomac, notre deuxième cerveau, est cruel. Et cette façon de déléguer à des tueurs professionnels un droit de vie et de mort pour exécuter des milliards d’animaux sauvages ou d’élevage, n’est-ce pas lâche et méprisable?  Bien sûr, il est plus facile de traiter les véganes de manipulateurs et d’extrémistes plutôt que d’admettre nos abus carnassiers. Et puis, quand Onfray crie au scandale et s'emporte contre Greta Thunberg, c'est la logique de l'estomac qui le gouverne. Non, rien à voir avec la philosophie... Seulement le ventre et la queue... Merde in France.

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